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Quelles sont les solutions pour sauver les coraux? Réponses aux questions sur la restauration des récifs coralliens

Traduction relue par Maïa Sautelet

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Quelles sont les solutions pour sauver les coraux? Réponses aux questions sur la restauration des récifs coralliens
Crédit: Martin Colognoli / Ocean Image Bank

Le saviez-vous ? Les récifs coralliens contribuent jusqu’ à 10 000 milliards de dollars par an à l’économie mondiale. 

Les récifs coralliens fournissent les frayères pour un grand nombre d’espèces marines et procurent des millions d’emplois à la population locale. C’est pourquoi les récifs coralliens sont des écosystèmes précieux pour les animaux et les humains.

Les récifs coralliens jouent un rôle primordial pour notre planète, de ce fait, il devient de plus en plus nécessaire d’entamer des projets de restauration afin de protéger nos récifs contre les menaces telles que le réchauffement, l’acidification et la pollution des océans, ainsi que les espèces envahissantes.

Comment restaurer les coraux?

Les méthodes de restauration de récifs sont choisies en fonction de la façon dont les différentes espèces de coraux se reproduisent. En général, les coraux sont restaurés à l’aide d’une méthode appelée “le jardinage corallien”.

Qu’est-ce que le jardinage corallien?

Le jardinage corallien consiste à cultiver des fragments de coraux cassés dans des pépinières terrestres ou sous-marines. Une fois réhabilités, les coraux sont fixés sur des zones récifales existantes ou sur des substrats artificiels tels que le calcaire, la céramique ou le béton, à l’aide de sangles, de colle ou de cales (un processus qui est connu sous le nom de transplantation). En supposant que la zone sécurisée soit propice à leur croissance (c’est-à- dire, pollution, sédimentation et dommages causés par les ancres à un niveau minimal), la colonie corallienne prospérera tant qu’elle sera attachée. 

Le jardinage corallien cherche à atteindre trois objectifs :

Augmenter le nombre de structures solides pour favoriser la croissance des coraux  (conditions structurelles)

Augmenter la couverture corallienne dans le monde (conditions biologiques)

Modifier les conditions de croissance des coraux (conditions physiques)

Conditionnement structurel

Le conditionnement structurel consiste à construire des substrats artificiels afin d’augmenter la structure du récif et les zones disponibles pour que les coraux puissent s’y fixer et s’y développer. Cette opération est réalisée dans les zones où les récifs naturels ne sont pas disponibles ou sont inhabitables.

Conditionnement biologique

Le conditionnement biologique consiste à favoriser la croissance des coraux (par la récupération et la réhabilitation de fragments de coraux, la propagation de colonies de coraux et la culture de larves de coraux) dans les zones où des structures solides sont en place. Des poissons, des palourdes et d’autres organismes peuvent également être introduits pour promouvoir la reconstitution globale du récif. 

Restauration de coraux à Komodo, Indonésie, Coral Guardian
Restauration de coraux à Komodo, Indonésie, Coral Guardian (Crédit: Martin Colognoli / Ocean Image Bank)

Conditionnement physique

Le conditionnement physique permet une croissance efficace des coraux en modifiant leurs conditions environnementales pour les adapter au mieux à leurs besoins. Par exemple, les pépinières de coraux en milieu aquatique, où les coraux endommagés ou nouveaux coraux sont réhabilités avant d’être transplantés dans des structures permanentes, permettent aux coraux de prospérer et de grandir plus rapidement en réduisant les conditions de stress tout en maintenant une eau de qualité irréprochable.

La restauration corallienne est-elle coûteuse ?

La restauration corallienne peut être un projet assez coûteux ; selon une étude, le coût de plusieurs projets entre 1991 et 2018 s’élevait à 400 000 dollars par hectare à la moyenne, l’étape de pouponnière coûtant en moyenne 6 000 dollars par hectare et l’ajout de substrat coûtant autour de 4 000 000 dollars par hectare. 

Les coûts des projets de restauration dépendent de l’ampleur du projet , de la complexité de l’emplacement (c’est-à-dire de la nécessité d’ajouter des substrats artificiels) et du type de projet. 

Le tableau suivant donne une idée sur les  coûts médians et les coûts minimaux et maximaux par hectare qui sont associés avec un certain type de projet (on constate que les prix varient  considérablement en fonction de l’emplacement).

Type de projetCoût médian (USD)Coût min. (USD)Coût max. (USD)
Transplantation218,3059,1988,382,653
Amélioration larvaire523,1626,2624,333,826
Jardinage corallien (Le total)351,661130,000379,139
Jardinage (Collection/Pouponnière)28,0759,26256,150
Jardinage (Transplantation)761,86430,8351,492,893
L’ajout de substrats artificiels 3,341,75414,076142,667,803
Stabiliser les substrats 370,98691,04426,100,000
Tableau 1 : Différents types de projets (1991-2018), ainsi que leurs coûts médians, minimaux et maximaux en dollars.

Dépenses et revenus 

Bien que ces coûts varient considérablement et qu’il soit historiquement difficile d’évaluer les avantages à long terme de la restauration des coraux, des études de cas récentes ont montré que certaines zones peuvent générer jusqu’à 34,6 à 36,7 milliards de dollars supplémentaires entre 2017 et 2030 grâce à l’amélioration du tourisme, des aménagements côtiers et de la pêche commerciale. Les secteurs public et privé devraient tous deux bénéficier de ces projets de restaurations, ce qui justifie d’autant plus leur nécessité.

Restauration de coraux en Indonésie
Restauration de coraux en Indonésie (Crédit: Martin Colognoli / Ocean Image Bank)

Peut-on faire revivre les coraux morts ?

Les coraux sont des animaux apparentés aux méduses et aux anémones, que l’on trouve dans divers habitats et endroits du monde. On distingue normalement les coraux durs et les coraux mous. Les coraux durs  sécrètent  un squelette solide de carbonate de calcium qui contribue à la construction des récifs. Quant aux  coraux mous, ils existent dans les récifs mais ne contribuent pas à leur construction. 

Les coraux partagent une relation symbiotique avec les zooxanthelles (des algues capables de produire de la nourriture pour les coraux) , qui vivent dans les cellules des coraux et fournissent de la matière organique aux tissus de leur hôte. En cas de stress, les algues produisent des substances toxiques, par conséquent, les coraux expulsent les algues et commencent donc à mourir de faim. 

Il est toutefois possible que les coraux blanchis se rétablissent à condition qu’ils récupèrent leur source de nourriture (les algues) dans les quelques semaines qui suivent leur blanchiment. 

Cela se produit généralement après une vague de chaleur et en l’absence d’autres facteurs de stress. Les vagues de chaleur prolongées sont donc souvent préjudiciables au bien-être des coraux.

Une étude de cas récente a été réalisée sur l’atoll corallien de Kiribati, où certains coraux ont survécu à une vague de chaleur de 10 mois grâce à la prolifération de symbiotes (algues) tolérants à la chaleur. Ces algues leur permettent d’être résistants aux températures plus élevées, mais seulement en l’absence de facteurs de stress locaux. 

La restauration corallienne, ça marche ? 

La Fondation pour la restauration du corail (CRF) à Key Largo (Floride) est un exemple de projet réussi de la restauration corallienne. Les chercheurs au CRF cultivent et transplantent des espèces de coraux menacées d’une manière rentable et modulable, ce qui permet aux coraux de se reproduire et de se rétablir naturellement.

Méthodes et résultats

La CRF utilise principalement la fragmentation (méthode de reproduction asexuée des coraux à partir d’un fragment ou d’un morceau de corail) pour propager et élever les coraux. Les fragments sont accrochés à des arbres à coraux (modèles en PVC) qui permettent aux chercheurs de les cultiver dans des pépinières en mer. 

Les arbres sont attachés au fond de l’océan et soutenus par un flotteur (ce qui permet à l’arbre de monter et descendre et de s’adapter aux ondes de tempête),  jusqu’à 100 fragments sont accrochés aux branches en PVC à l’aide de lignes en monofilament.

Avec suffisamment de lumière et de nutriments, les fragments se transforment en colonies suffisamment grandes pour être transférées sur le récif en 6 à 9 mois. 

Depuis 2012, plus de 220 000 colonies ont été transférées vers le récif corallien de Floride, restaurant ainsi plus de 34 000 mètres carrés d’habitat naturel.

Leçons retenues et meilleures pratiques

Pour assurer la pérennisation des récifs coralliens, les coraux transférés sont génétiquement diversifiés grâce à la plus grande banque de sperme de corail au monde, certains gènes étant uniques à la banque car ils sont perdus dans la nature. Tous les génotypes et phénotypes (informations génétiques et physiques) des coraux sont analysés et enregistrés dans une base de données génétiques pour de futurs projets de restauration. 

L’utilisation d’arbres à coraux par la CRF a permis (avec très peu d’aide) aux récifs de se rétablir naturellement par eux-mêmes et a incité les scientifiques du monde entier à mettre en œuvre cette stratégie dans le cadre de leurs propres projets de restauration des récifs coralliens.. 

Comment les récifs coralliens sont-ils restaurés ? 

L’Initiative internationale pour les récifs coralliens (ICRI) est une initiative mondiale bien connue dans le domaine de la restauration des récifs coralliens. Il s’agit d’un partenariat entre des nations et des organisations (principalement des ONG, des banques multilatérales de développement et des entreprises du secteur privé) du monde entier visant à préserver les récifs coralliens et les écosystèmes qui leur sont associés. Son secrétariat élabore des plans d’action, organise des réunions et promeut ses objectifs lors de sommets ou de conférences internationales. 

La restauration dépend également des efforts des communautés et des bénévoles. Par exemple, la CRF (mentionnée précédemment) invite de nombreux plongeurs amateurs à observer et à enregistrer leurs découvertes afin d’aider l’organisation à mieux comprendre l’état de santé de ses arbres coralliens. 

Techniques utilisées 

Les techniques émergentes communes  qui sont de plus en plus utilisées pour restaurer les coraux se composent majoritairement de la micro-fragmentation et de l’électrostimulation.

Micro-Fragmentation : Les coraux sont fragmentés en petits morceaux de 1 à 5 polypes à l’aide d’une scie spécialisée. Cela stimule la croissance, permettant aux morceaux de grandir  jusqu’à 50 fois plus vite que la normale. Les morceaux sont placés dans des réservoirs d’eau peu profonde pour continuer à grandir et former des colonies, qui sont ensuite renvoyées dans l’océan ou fragmentées à nouveau. 

Électrostimulation : On traverse des courants continus à basse tension à travers une structure en acier pour initier les  processus chimiques et produire des matériaux calcaires solides (un processus connu sous le nom de Biorock), qui sont connus pour être le meilleur substrat pour les coraux durs. Il n’y a pas de limite à la forme ou à la taille du calcaire. Les coraux, les éponges, les tuniciers et les bivalves se développent exceptionnellement vite sur le calcaire, les premiers étant également beaucoup plus résistants au stress et guérissant beaucoup plus vite. 

Où est-ce qu’on a eu le plus de succès avec la restauration des récifs coralliens ?

Malgré les difficultés, plusieurs projets de restauration des récifs coralliens ont été menés à bien dans le monde entier. Il s’agit notamment de projets menés en Australie, dans les Caraïbes et aux Maldives.

Pas plus tard qu’en 2022, des pépinières de coraux dans le nord de l’Australie ont connu des épisodes de reproduction réussis, et plus de 76 000 morceaux de coraux ont été plantés sur la Grande Barrière de Corail depuis 2018. La plupart des travaux ont consisté à collecter des fragments de coraux et à les cultiver dans les pépinières avant de les remettre sur le récif. La Great Barrier Reef Foundation (Fondation pour la Grande Barrière de corail) et la Reef Restoration Foundation collaborent avec des scientifiques et des opérateurs touristiques pour s’assurer que la réussite du frai se poursuive à l’avenir.

Le projet de restauration de la fondation Soneva vise à restaurer les récifs coralliens des Maldives en utilisant des méthodes telles que la technologie d’accrétion minérale  et la micro-fragmentation. La fondation Soneva utilise l’argent qu’elle reçoit des organisations caritatives pour produire jusqu’à 150 000 fragments de coraux par an. 

Le Central Caribbean Marine Institute, un institut de recherche marine situé dans les Caraïbes, a constamment affiné ses méthodes d’élevage de coraux pour propager plus de 1000 fragments de coraux via deux pépinières. L’institut a également entrepris l’initiative d’agrandir ses pouponnières à plus de 15 arbres à coraux. Chaque arbre est capable de retenir 100 fragments de coraux. Les chercheurs au Central Caribbean Marine Institute travaillent assidûment   pour améliorer les stratégies d’adaptation naturelle des récifs, et leurs travaux sont publiés dans des manuels et mis à la disposition des instituts du monde entier. Une grande partie de leur financement provient de fondations et d’organismes fiduciaires. 

Combien de temps faut-il pour reconstruire les récifs coralliens ?

10 ans est la réponse courte. 

Les coraux massifs naturels grandissent par environ 0,3 à 2 cm annuellement, tandis que les coraux ramifiés croissent jusqu’à 10 cm par an. La formation d’un récif corallien à partir de larves peut prendre jusqu’à 10 000 ans, tandis que celle des barrières de corail et des atolls peut durer jusqu’à 30 000 000 d’années. 

Les projets de restauration corallienne peuvent permettre aux coraux transplantés de croître au même rythme que les coraux naturels en 4 ans, ce qui signifie qu’ils peuvent prendre approximativement moins de temps que les coraux naturels, qui mettent environ une décennie à se rétablir après un épisode de blanchiment.

Le type de corail, les conditions environnementales et la méthode de restauration influencent tous le taux de croissance d’un corail. Et naturellement, les coraux seront considérablement affectés si le blanchiment devait se reproduire.

Calendrier des projets actuels

Des études récentes ont démontré les taux de rétablissement des récifs coralliens après les efforts de restauration. 

Le programme indonésien de restauration des récifs coralliens (nommé le Mars Coral Reef Restoration Program) a notamment montré que les récifs restaurés se développent à la même vitesse que les récifs sains, quatre ans après la transplantation. 

Un autre exemple est celui d’une mission de récupération de la FEMA orchestré par la NOAA, qui a récupéré environ 7 000 fragments après l’ouragan Matthew et les a mis au abris  dans les crevasses des récifs. Après 3 ans, des coraux sains avec un taux de survie de 90 % ont été observés. 

La restauration des récifs coralliens est-elle coûteuse ?

La restauration des récifs coralliens peut certainement être un projet coûteux, toutefois des études à long terme ont montré que les avantages qui se manifestent dans des domaines tels que le tourisme et les emplois récréatifs, les entreprises et la pêche, qui dépendent largement des récifs et de leurs habitats (la valeur commerciale des pêcheries américaines provenant des récifs est estimée à plus de 100 millions d’USD), ont tendance l’emporter sur les coûts. 

Un autre avantage économique indirect des récifs est qu’ils protègent les côtes en agissant comme une barrière robuste contre les vagues, les tempêtes et les inondations. Sans eux, les dégâts matériels et l’érosion peuvent coûter des millions, sans parler des pertes potentielles de  vies humaines.

Les projets de restauration des récifs coralliens sont souvent financés par des subventions gouvernementales et privées (par exemple, le programme de conservation des récifs coralliens de la NOAA), des fondations, des fiducies et des organisations caritatives. Si les gens commencent à considérer les récifs coralliens comme un bien économique pour les raisons mentionnées plus haut, il aura surement plus de contributions individuels

Réflexions finales

La restauration des récifs coralliens est une entreprise faisable qui favorise le bien-être des hommes et des animaux . Avec tous les avantages déjà démontrés dans les programmes de restauration réussis, il y a d’autant plus de raisons pour que les gens s’impliquent, que ce soit dans la recherche, le financement ou l’action communautaire pour sauver nos récifs.

Sachant que les programmes de restauration visent à concrétiser un monde durable en passant par les récifs coralliens, il n’y a pas de meilleur moment que maintenant pour commencer à contribuer.